Le précurseur, 1817
Pur produit du charronnage, cette machine est réalisée quasi entièrement en bois : deux roues cerclées de fer, de même diamètre, alignées dans le sens longitudinal et reliées par une poutre elle-même coiffée d’une selle en cuir ajustable en hauteur et rembourrée de crin , doté à l’avant d’une sorte de timon (guidon) permettant d’orienter la roue et d’une barre d’appui "servant de balancier" placée sous les avant-bras pour permettre au cavalier de contrecarrer l’instabilité conceptuelle de la machine, sans oublier à l’arrière un frein à sabot commandé par une corde, un "porte-manteaux" (porte-bagages) et une béquille latérale. Son poids était d’un peu moins de 25 kg, sa vitesse revendiquée de l’ordre de 10 km/h en plaine, "sans fatigue" selon Karl Drais. L’honnêteté oblige à dire que cette machine est très inconfortable et sa propulsion épuisante, sa direction imprécise rend l’équilibre précaire et la tenue de cap hasardeuse.
Karl Drais a des difficultés à obtenir un brevet en Allemagne malgré des démonstrations probantes.
Le 19 janvier 1818, il fait déposer en France un « brevet d’importation de 5 ans pour une machine appelée vélocipède »*, par l’avocat Louis-Joseph Dineur.
* Le mot vélocipède désignait antérieurement un coureur à pied ce qui, aujourd’hui encore, engendre des confusions.
Le scepticisme français l’emporte souvent sur l’enthousiasme dans la presse : « Les draisiennes paraissent un instrument commode pour la campagne et les voyages à peu de distance par les bons chemins », « Cette machine ne saurait être d’une utilité réelle », « Le vélocipède est bon tout au plus pour faire jouer les enfants dans un jardin »…
On remarque déjà l’apparition du mot draisienne* comme synonyme de vélocipède.
* À ne pas confondre avec draisine, mot en usage dans les pays anglo-saxons, qui en France désigne un véhicule ferroviaire.
La draisienne ne passe pas pour autant inaperçue comme le prouvent les très nombreux commentaires, railleries, caricatures et autres spectacles satiriques dont elle fait l’objet. Elle se diffuse dans toute l’Europe auprès des classes aisées comme objet de divertissement. Améliorée en Angleterre, où elle prend le nom de « dandy horse » ou « hobby horse », elle est finalement abandonnée petit à petit vers le début des années 1820 en raison de son incommodité et des quolibets auxquels s’exposent les pratiquants.